Piâneries

Pourquoi ce nom ?
Piano, vital et dérisoire, dans une vie trop courte pour être petite, trop petite pour contenir toutes les passions, trop brève pour se limiter à une seule...

Pourquoi un site ?
L’envie et le besoin d’effectuer un petit pas de côté, de modifier l’éclairage pour tenter de mieux naviguer sur le désordre.
La nécessité de répondre à une question souvent posée après les concerts : comment s’écrit la musique ? Au piano ? Sur une partition vierge ? En déterminant une intention préalable ? En usant de substances illicites ? En s’isolant ? Brique après brique ou en sculptant dans la masse ? Comme ceci ou comme cela...

Toutes ces questions récurrentes n’évoquent en fait que l’observable, le mesurable. L’essentiel réside ailleurs, et chacun le porte en soi, souvent bridé par des enseignements normatifs.

Pas de secret, ni de mystère ; il suffit d’allier la concentration la plus intense et la liberté la plus absolue de tout laisser advenir sans trier. Écrire sur une partition procède de la même démarche qu’improviser. Comme le poète suit les mots qui surgissent et joue avec, le musicien suit les sons, et les écrit sur son instrument quand il improvise, sur un support quand il destine la musique à d’autres musiciens.
De cette idée – peu partagée – de la musique se déduit le seul critère objectif permettant de juger le résultat : l’absence absolue de réflexion, de calcul pendant la composition, juste l’expression d’une nécessité intérieure impérieuse, instantanée, fulgurante, nourrie de longues cogitations, rêveries et ruminations préalables. Un site présente le désavantage d’inciter à s’astiquer un peu plus encore l’ego devant sa rutilante vitrine, à solliciter de nombreux avis, alors qu’un seul suffit - le sien, et qu’un seul choix possible se présente à l’issue d’une phase de travail : garder ou jeter. Ai-je disposé totalement de ma liberté lors de cette transposition de l’imaginaire dans le réel ? Me suis-je préservé de l’idée d’une reconnaissance à venir ? (de quoi ? de qui ?) Ai-je atteint le degré de liberté de ceux qui constituent mon panthéon, par leur refus de toute appartenance à une école, une tendance, une époque, une mode, une lignée, pour mieux aboutir chacun leur musique, unique, érigeant ainsi l’individualisme en vertu, en préalable incontournable du don, du partage, du collectif ?

La liberté d’autrui est d’être la mienne à l’infini. Inspiré par Bakounine, je tente de traduire en actes ma recherche d’une liberté toujours plus étendue.

Refuser l’idée de l’œuvre qui impose de calibrer son propos, se désintéresser du débat tronqué sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur. Là où, à partir de ces deux notions simples, un modèle de société généreux pourrait se concevoir, le pouvoir et le fric s’y opposent, ici comme ailleurs, sans surprise.

Comme Satie et bien d’autres, je suis convaincu que l’important ne réside pas dans le fait de recevoir la légion d’honneur, mais plutôt de ne jamais la mériter. La transposition semble valable concernant le rapport de l’art au commerce.

Tout cela jeté en vrac sur ce site, alors que je déteste toute mise en mots de la musique, toute rédaction de grammaire ou de philosophie par les musiciens eux-mêmes, signe d’une vacuité de la nécessité intérieure.

Mais la période contemporaine, poussiéreuse et rétrograde malgré ses atours aguicheurs, ses grandes déclarations consensuelles sur la musique – propos prétentieux et ampoulés des peine à ouïr ressassant en boucle le discours de la décadence, guides d’une prétendue modernité épaisse comme la vérité d’un jour – m’énerve. D’où ces mots inutiles qui ont pour seul but de me calmer.

Soyez les bienvenues dans le chantier permanent de mon fatras musical, que Bérénice tente avec courage et talent de rendre accessible.